Des risques de toutes sortes
Si les plus petits s’opposent rarement à la diffusion d’images et d’anecdotes les concernant, il en va tout autrement de leurs aînés. « Certains adolescents ou jeunes adultes sont troublés lorsqu’ils apprennent par hasard que des personnes dont ils ignorent même l’existence en savent beaucoup sur eux simplement parce qu’ils sont des ‘amis’ de leurs parents sur les réseaux sociaux », dit Me Fréchette.
Il y a aussi que les images ou récits rigolos peuvent être utilisés par des tiers. « C’est possible que l’enfant soit la risée de ses camarades d’école, ou encore que ces derniers s’en servent pour l’intimider. » Dans un groupe de discussion, Me Fréchette a entendu un jeune garçon raconter qu’il avait été ridiculisé par ses pairs qui avaient trouvé, sur Internet, une photo de lui alors qu’il était habillé en fille – cette photo avait été publiée à son insu quand il était petit.
Le surpartage peut aussi exposer l’enfant à d’autres risques. Ainsi, un internaute pourrait reproduire le minois du petit sur son site et faire croire qu’il s’agit là de son propre enfant – c’est ce qu’on appelle le « digital kidnapping ». Des entreprises pourraient utiliser à des fins de marketing des renseignements publiés. Encore pire, des fraudeurs pourraient utiliser de tels renseignements pour voler l’identité de l’enfant. « Souvent, les parents publient de nombreuses données qui ne sont pas banales », dit Josiane Fréchette. C’est le cas du nom de l’animal de compagnie de leur enfant ou du nom de son école, par exemple. Lorsque, devenu grand, le jeune fera des transactions par internet, il pourrait choisir sans le savoir des questions dont les réponses sont sur les réseaux sociaux. Cela faciliterait la tâche d’un éventuel fraudeur.
Lorsque les parents photographient leur enfant devant sa maison, de nouveaux risques s’ajoutent. Car les photos numériques contiennent souvent des infos permettant la géolocalisation. Une telle fonction donne à des personnes mal intentionnées l’adresse de l’enfant. Or, dans l’étude, Me Fréchette mentionne que, selon l’institution financière Barclays, le nom, la date de naissance et l’adresse d’un enfant suffisent pour ouvrir un compte bancaire ou faire des demandes de crédit à son nom. Ce qui fait dire à l’auteure qu’en matière de fraude, le surpartage parental est « une véritable épée de Damoclès sur la tête de l’enfant ».
Enfin, le surpartage peut aussi exposer le jeune à de la pornographie juvénile. Et cela, même lorsque les photos publiées n’ont pas de connotation sexuelle. « Elles n’ont qu’à être reprises par des individus mal intentionnés qui les diffusent dans un tout autre contexte », dit Me Fréchette. Selon Nadia Gagnier, une psychologue interviewée dans le cadre de la recherche, l’enfant qui apprend l’existence d’une telle utilisation pourrait en subir d’importantes conséquences sur le plan psychologique.
Plusieurs parents se croient protégés parce qu’ils destinent leurs publications à un groupe privé. Selon la chercheuse, ce n’est pas suffisant.