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Habitation | Rubriques

Étiquettes énergétiques en habitation : utiles à certaines conditions

Par : Maryse Guénette
Crédit photo: Pixabay

Une étiquette énergétique permettant aux consommateurs de prendre à tout coup des décisions éclairées tant au moment d’acheter une maison que de faire des rénovations, voilà qui serait intéressant. Mais avant d’y parvenir, il y a plusieurs facteurs à prendre en considération.

Parions que les mots EnerGuide et Energy Star vous disent quelque chose. Ces appellations désignent deux étiquettes relativement bien connues. La première est « la marque officielle du gouvernement du Canada associée au programme d’étiquetage et de cote de rendement énergétique des biens de consommation clés », alors que la seconde certifie les produits les plus écoénergétiques sur le marché.

Si vous avez récemment acheté une propriété, peut-être avez-vous obtenu de l’information sur sa dépense énergétique. Ou peut-être vous êtes-vous dit qu’une étiquette vous renseignant à ce sujet aurait pu vous être utile. De même, si vous avez effectué des rénovations, peut-être auriez-vous aimé avoir accès à des données vous permettant de faire les bons choix pour améliorer l’efficacité énergétique de votre demeure.

Si une étiquette énergétique était systématiquement proposée dans le domaine de l’habitation, les consommateurs en tiendraient-ils compte ? Et si oui, à quelles conditions ? C’est de cela qu’il est question dans l’étude intitulée Étiquettes énergétiques domestiques : dans quelle mesure servent-elles les consommateurs ?, publiée par le Conseil des consommateurs du Canada (CCC).

 

Ce que consommateur veut…

L’étude s’intéresse d’abord aux raisons qui poussent les consommateurs à se préoccuper d’efficacité énergétique. «  Nous avons demandé aux participants des groupes de discussion ce qui les motivait à améliorer l’efficacité énergétique de leur maison, dit Edith Yu, gestionnaire à la firme buildABILITY  et coauteure de l’étude. Ils nous ont répondu que c’était l’éventuelle diminution du coût de leurs dépenses énergétiques. L’amélioration du confort de leur demeure est venue en deuxième. »

Parmi les participants au sondage, certains ont aussi mentionné qu’ils trouveraient intéressant de comparer l’efficacité énergétique de leur propriété à celle d’autres propriétés.

Ils voulaient de l’information leur permettant de savoir si leur demeure était meilleure ou pire que les autres, dit Mme Yu. »

Edith Yu, gestionnaire à la firme buildABILITY  et coauteure de l’étude

Cela a fait dire aux auteurs qu’il fallait une étiquette permettant une telle comparaison (comme ÉnerGuide) plutôt qu’un sceau d’approbation (comme Energy Star).

Et les motivations d’ordre environnemental ? Elles ne semblaient pas être au rendez-vous. « Réduire les émissions de carbone et essayer de diminuer son impact sur les changements climatiques, ça n’a pas vraiment d’effet tangible. C’est plutôt abstrait. Or, plusieurs études montrent que les consommateurs ont besoin de comprendre avant d’agir. Et l’argent, tout comme la facture d’énergie, c’est plus facile à comprendre que les émissions de carbone. » Notons que les données ont été collectées en 2018. Aujourd’hui, les résultats seraient peut-être un peu différents…

Évidemment, les consommateurs sont préoccupés par ce qui les touche de près. Ainsi, un acheteur et un propriétaire n’ont pas les mêmes besoins en matière d’information.

Celui qui s’apprête à acheter une maison voudra se renseigner sur l’efficacité énergétique des demeures qu’il visite et savoir s’il aura à effectuer des travaux, alors que celui qui est déjà propriétaire voudra savoir comment améliorer l’efficacité énergétique de sa maison. »

Edith Yu

 

Des conditions sine qua non

À quoi servirait une étiquette énergétique ? « À fournir, selon Mme Yu, des renseignements sur l’efficacité énergétique d’une maison et à permettre la comparaison entre les propriétés. » Elle pourrait aussi « faire en sorte que les consommateurs aient confiance en l’information qui leur est fournie en matière d’énergie et les amener à prendre des mesures pour améliorer l’efficacité énergétique de leur propriété. »

Pour que ces buts soient atteints, il faut que l’étiquette respecte certains critères. «  Le consommateur doit pouvoir interpréter les renseignements qu’il reçoit et les utiliser pour faire des choix, dit Edith Yu. Et pour cela, il faut que l’information soit claire, compréhensible, lisible, facile à mémoriser et fiable.  Si l’étiquette est rédigée dans un jargon technique incompréhensible, elle ne sert à rien. »

L’information donnée doit aussi être liée aux intérêts des consommateurs. « Si c’est le cas, l’étiquette est en général bien reçue, dit Mme Yu. Une bonne étiquette énergétique, c’est celle dont les consommateurs peuvent se servir pour agir. » Dans un mémo envoyé après l’entrevue, Mme Yu précise que ce qui l’a le plus surprise, c’est « l’importance de l’économie comportementale ». Elle mentionne qu’auparavant, les étiquettes énergétiques étaient conçues par des techniciens pour d’autres techniciens. Mais que des étiquettes « techniquement solides », ce n’est plus suffisant aujourd’hui.

Enfin, il faut aussi prendre en compte le caractère irrationnel de certaines décisions des consommateurs.

On croit souvent que les gens sont capables de prendre des décisions logiques en pesant le pour et le contre. Ce n’est pas toujours le cas. Le processus de décision est très complexe et peut être dérangé par différents facteurs, comme le manque de connaissances ou le manque de temps. Les consommateurs ont alors tendance à faire des raccourcis mentaux. »

Edith Yu

Les préférences des participants

Au cours de l’étude, des consommateurs ont eu à commenter des étiquettes. Or, les deux étiquettes qu’ils ont préférées, soit le certificat de performance énergétique du Royaume-Uni  (choisie lors du sondage) et l’étiquette d’Energy Vermont  (choisie pendant les groupes de discussion) ont en commun de contenir beaucoup de renseignements, ce qui aurait pu être décourageant.

« Nous  avons découvert que ce n’est pas vraiment la quantité d’information qui importe, dit Mme Yu, mais plutôt la pertinence de cette information et la manière dont elle est présentée. » Selon l’étude, la présentation a en effet à voir avec l’intérêt que le consommateur portera à l’étiquette. Ainsi, l’information doit y est bien classée, et ce qui est le plus pertinent pour le consommateur – ici, la dépense énergétique – doit être mis en avant.

L’étiquette doit aussi comporter des couleurs vives, franches et contrastées.

Les étiquettes les plus colorées sont généralement celles dont on se souvient le mieux. Ce sont aussi celles que l’on estime les plus dignes de confiance. »

Edith Yu

Sur les étiquettes apparaissent également des légendes, des icônes et des échelles susceptibles de faciliter la compréhension. À ce propos, notons que l’utilisation d’une échelle discrète – qui présente l’information par paliers plutôt que de manière continue – a été bien accueillie par la plupart des participants, qui la trouvent relativement facile à lire et à comprendre.

L’étude révèle que la plupart des participants aimeraient que l’information sur l’efficacité énergétique de leur demeure leur soit transmise sur leur facture mensuelle d’énergie. Par contre, les plus jeunes préféraient qu’elle leur parvienne par un autre moyen (application, courriel, site web ou thermostat intelligent). Notons que seule une minorité de participants ont affirmé préférer une étiquette énergétique « sur papier ».

L’étude du CCC se termine par une série de recommandations à faire d’autres études. « Il y a beaucoup de choses que nous n’avons pas pu aborder, comme ce qui a rapport à la vie privée », dit Edith Yu. Les participants à l’étude ayant soulevé des préoccupations à cet égard s’il y a transmission d’information par une application, il serait effectivement intéressant de s’y pencher.

L’étude

Étiquettes énergétiques domestiques : dans quelle mesure servent-elles les consommateurs ? (Conseil canadien des consommateurs, 2019) se penche sur la motivation des consommateurs à l’égard d’une étiquette énergétique dans le domaine de l’habitation ainsi que sur les caractéristiques que devrait avoir une telle étiquette. Elle s’intéresse à l’utilité et aux fonctionnalités de cette étiquette, à la façon dont les consommateurs pourraient la comprendre et à l’effet qu’elle pourrait avoir sur leurs comportements. Elle a été réalisée dans le but de faire des recommandations permettant de concevoir une étiquette efficace et d’amener les consommateurs à l’utiliser.

Pour arriver à leurs fins, les chercheurs ont réalisé une recherche documentaire, des entrevues avec des informateurs clés provenant de groupes de consommateurs et de l’industrie ainsi qu’une enquête Web nationale, en plus d’avoir rencontré des consommateurs lors de trois groupes de discussion.