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Environnement

Quand le choix d’un véhicule nuit à la lutte aux changements climatiques

Par : Dominique Lamy

Équiterre sonne l’alarme : le Canada souffre « d’obésité routière ». Les véhicules sont plus hauts, plus larges, plus longs et plus lourds. Un constat incompatible avec les efforts de réduction des gaz à effet de serre (GES) et d’électrification des transports.

L’attrait des camions légers — une catégorie qui regroupe les véhicules utilitaires sport (VUS), les véhicules utilitaires multisegments (VUM) et les camionnettes et fourgonnettes — ne fait plus aucun doute. Les consommateurs apprécient leur polyvalence, le sentiment de sécurité qu’ils procurent et le prestige qui leur est associé. Résultat ? Les ventes explosent : 81 % des ventes de véhicules neufs réalisées entre janvier et septembre 2021 sont des camions légers. Certains chroniqueurs automobiles envisagent même la disparition éventuelle de la voiture plus traditionnelle. Parlez-en aux amateurs de berlines…

Ce phénomène est susceptible de nuire à l’atteinte des cibles climatiques. Il est d’ailleurs analysé sous toutes ses coutures dans le nouveau rapport d’Équiterre intitulé Comprendre la hausse des camions légers au Canada afin de renverser la tendance. Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre, nous résume le propos, en direct de la conférence internationale sur le climat à Glasgow (COP26).

Des conséquences sur l’environnement et le choix de l’électrique

Les camions légers, qui nécessitent plus de ressources naturelles pour leur fabrication et plus d’énergie à l’utilisation que les voitures, sont assurément un frein aux efforts gouvernementaux dans la lutte aux changements climatiques. Mais dans quelle mesure ?

« Puisque les ventes de camions légers augmentent au détriment de véhicules moins énergivores, les émissions de GES liées à ce segment augmentent de facto », explique l’experte. Ces émissions ont ainsi augmenté de 161 % au Québec entre 1990 et 2018. Et en 2020, 44,8 % de celles-ci étaient imputables aux transports dans la province, d’où l’importance d’envisager la décarbonisation rapide de cette industrie !

La popularité des camions légers ralentit d’ailleurs les efforts d’électrification des gouvernements.

« Pour chaque véhicule électrique vendu au Québec en 2019, environ 11 camions légers trouvaient preneurs » – Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre

C’est à se demander si le succès de l’électrification des transports est conditionnel à la réduction de l’offre de gros véhicules…

Équiterre partage donc une série de recommandations destinées aux gouvernements. « Il est nécessaire d’adopter des politiques publiques ambitieuses pour orienter les choix en matière de mobilité », affirme avec conviction Andréanne Brazeau.

Quel est le vrai pouvoir du consommateur ?

Le consommateur peut faire valoir ses valeurs environnementales dans sa démarche d’achat. Pour Andréanne Brazeau, celui-ci doit bien analyser ses besoins avant de jeter son dévolu sur une nouvelle voiture. « Un plus petit véhicule ferait-il l’affaire ? Pourrais-je aussi envisager un véhicule électrique ? » questionne-t-elle. Voici trois conseils pour faire un choix éclairé.

1. Relativiser l’influence de la publicité

L’influence de la publicité sur le choix d’un nouveau véhicule est significative. Les campagnes publicitaires mettent de l’avant des VUS qui dominent l’environnement, bien juchés sur une montagne magnifique… Une pratique de marketing qui vise à rendre les gros véhicules plus attrayants. Et dire que, bien souvent, le prix de base sans financement et la consommation de carburant n’y sont même pas mentionnés !

2. Éviter les achats impulsifs

Avant de vous présenter chez un représentant, rappelez-vous que les concessionnaires ont des intérêts financiers liés à la hausse des ventes de véhicules surdimensionnés à essence. Non seulement la marge de profit réalisée est plus élevée à ce moment, mais la fidélisation du client est alors acquise. Un véhicule électrique demande moins de visites d’entretien au garage comparativement aux véhicules à essence.

3. Respecter le budget

Selon l’étude d’Équiterre, le coût d’achat supplémentaire d’un camion léger comparativement à une voiture standard serait de 10 000 dollars en moyenne. Et c’est sans compter le coût additionnel en carburant et en assurance ! Alors, afin de conjuguer une planète en santé avec un budget équilibré, optez pour un peu de sobriété.

Des initiatives à souligner

Choisir une automobile qui répond à ses besoins, sans nécessairement se priver d’un pick-up lors d’une fin de semaine de rénovations ou de pêche, est-ce possible ? « Quelques villes du Québec mettent désormais à la disposition de leur population respective une camionnette électrique en autopartage », souligne-t-elle. Dans ce modèle, le véhicule est utilisé par la Ville pendant les heures ouvrables. Il est, par contre, disponible pour les résidents durant certaines plages horaires le soir et le week-end, moyennant une tarification horaire avantageuse.

Cette idée pourrait-elle faire son bout de chemin et inspirer de nouvelles villes ? « Si l’on se projette en 2050, souhaitons-nous vraiment voir des véhicules toujours plus gros menaçant nos milieux de vie et contribuant davantage à la congestion routière ? C’est le moment d’agir », conclut Andréanne Brazeau.