Fermer×
Argent | Pratiques commerciales | Transport

L’assurance voyage en temps de pandémie

Par : Jean-Benoît Nadeau
Crédit photo: Javiki (Pixabay)

Ceux qui passent outre aux consignes du gouvernement et partent en voyage malgré la pandémie risquent gros. Coup d’œil sur la situation et les précautions à prendre.

Malgré la COVID, environ 30 % des snowbirds canadiens retourneront hiverner dans leur condo en Floride, en Arizona ou dans les Antilles. On leur souhaite bonne chance, car outre le risque d’infection, un bon nombre sont sans doute partis avec une assurance insuffisante. Les autres passeront leur premier hiver depuis longtemps au coin du feu.

« Bien des gens ne partiront pas parce qu’ils ne sont pas assurables ou parce qu’ils n’ont pas la couverture qu’ils aimeraient avoir », dit Lyne Duhaime, vice-présidente principale, politiques et réglementation des marchés, pour l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et présidente d’ACCAP Québec.

Elle appelle tous les voyageurs à la prudence.

Il faut prendre le téléphone et contacter l’assureur directement pour savoir ce qu’il couvre et connaître les conditions qui s’appliquent. Il y a énormément de variété sur le marché. La COVID est une situation inhabituelle qui force tout le monde à s’adapter. »

Lyne Duhaime, vice-présidente principale, politiques et réglementation des marchés, pour l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et présidente d’ACCAP Québec

Après avoir sévèrement restreint le voyage au printemps 2020, les compagnies d’assurances ont commencé à rouvrir les vannes et à émettre de nouvelles polices à partir de l’été. « Mais ça reste un petit marché, plus restreint. Les voyageurs vont avoir une assurance, mais elle ne sera pas formidable. »

Dans la situation actuelle, il existe une seule certitude : aucun voyage sur un navire de croisière n’est assurable parce que le gouvernement du Canada a émis un avis « à éviter », soit le fameux niveau 4 des avertissements officiels. Dans un tel cas, la personne voyage à ses risques et périls sans possibilités de couverture d’aucune sorte, pandémie ou non.

Tous les autres voyages sont frappés d’un avertissement dit de « niveau 3 » qui enjoint les Canadiens à « éviter tout voyage non essentiel » dans tous les pays. C’est clair… sauf que cette limite autorise tout de même les voyages essentiels (travail, urgence familiale, etc.). Certains assureurs respectent cet avis à la lettre, d’autres se montrent plus ouverts. Parmi ceux qui acceptent les voyages non essentiels, il y en a qui proposent une couverture spécifique à la COVID.

Pour aguicher les touristes, certaines compagnies aériennes offrent elles aussi une couverture « COVID » à leurs clients, mais ceux-ci ont intérêt à poser des questions. Si ça ne concerne que la COVID, ils auront besoin d’une autre assurance pour tous les autres risques médicaux !

Quant aux destinations offrant une prise en charge médicale en cas de maladie, il ne s’agit pas vraiment d’une assurance, prévient Lyne Duhaime : « Les gens sont alors soignés aux frais du pays, dans son système médical et selon ses normes. Ils n’ont aucune chance d’être rapatriés. »

Contrairement à ce qui se dit et s’écrit généralement, la crise sanitaire n’a pas provoqué une restriction des polices, mais plutôt leur application stricte. « Il n’y a pas eu de modification des contrats. Au contraire. Ce qu’on appliquait au début de la pandémie, c’était tout simplement les dispositions du contrat concernant les avis du gouvernement canadien », explique Lyne Duhaime. C’est à partir de l’été que les assureurs, quand ils ont voulu assouplir leurs règles, ont commencé à ajouter des clauses (appelées « avenants » dans le jargon). Selon l’Autorité des marchés financiers, organisme québécois qui a analysé de près la situation, ces avenants pouvaient avoir pour objectif de soustraire la police aux exclusions prévues, pour inclure la COVID ou pour clarifier des détails.

En principe, la loi oblige un assureur qui modifie un contrat d’assurance à aviser le titulaire de la police si cette modification réduit ses engagements envers l’assuré ou augmente les obligations de l’assuré. Dans un tel cas, l’assureur doit obtenir le consentement écrit de ce dernier. Mais cette communication n’est pas obligatoire si la modification a pour but d’améliorer le contrat. En assurance collective, c’est une autre histoire. Ici, c’est l’organisme représentant le groupe qui est « titulaire de la police ». C’est donc à lui qu’incombe la tâche d’informer ses adhérents.

 

Comprendre les risques

Bref, dans la situation actuelle, il est quasi impossible de généraliser et il vaut mieux vérifier de vive voix avec le service à la clientèle de l’assureur. Il faut poser des questions sur les deux principaux volets de l’assurance voyage : la couverture offerte et l’annulation (qui inclut l’interruption de voyage).

Le montant de couverture est sans doute l’élément le plus important à vérifier. Selon l’Autorité des marchés financiers, les produits d’assurance couvrent habituellement des frais médicaux d’urgence de 3 à 5 millions de dollars. Le consommateur doit donc être circonspect si on lui offre une couverture de 200 000 $ ou 300 000 $. Surtout aux États-Unis, où les frais d’hospitalisation sont de 10 000 $ à 12 000 $ par jour.

Pour une personne qui doit passer un mois sous respirateur, la somme offerte ne sera pas assez. Et comme les hôpitaux sont en surcharge partout, ça risque de coûter encore plus cher que la normale. »

Lyne Duhaime

Au consommateur de juger s’il est en mesure d’assumer le risque financier en cas de dépassement des coûts !

Pour les produits d’assurance qui annoncent une couverture « COVID », il faut vérifier s’ils couvrent aussi les autres maladies, et pour quelle somme. « Il se peut que le consommateur soit couvert pour les autres risques, une crise cardiaque par exemple, mais peut-être pas autant qu’avant », précise Lyne Duhaime.

Quant au volet annulation ou interruption de voyage, il ne sera probablement jamais couvert. Dans un contexte de pandémie, la probabilité est tout simplement trop forte. Il suffit de simples symptômes pour qu’on interdise à quelqu’un d’embarquer dans un avion. Et si la situation se présente plutôt au retour, cela peut vouloir dire passer quelques semaines de plus à l’hôtel, ce qui risque de coûter très cher. L’interruption de voyage sera probablement considérée de la même manière, mais il faut vérifier.

Pour plus de certitude, l’ACCAP recommande de se procurer une protection en cas d’annulation de voyage « pour n’importe quelle raison » ; cette protection est plus souple pour ce qui est du motif de l’annulation, mais peut coûter davantage. Il se peut aussi que certains motifs soient exclus, comme l’inquiétude. Ce qui peut être embêtant si la situation du pays où l’on séjourne nous préoccupe de plus en plus.

Même avec une assurance blindée, voyager au temps de la COVID n’est pas de tout repos, et les vacanciers avisés devront rester vigilants pour éviter de se mettre dans le pétrin. Les gouvernements peuvent, sans préavis, fermer leurs frontières, imposer des restrictions, ordonner le départ des touristes.

Le meilleur assureur au monde n’a aucun contrôle sur le système médical et sur les conditions de rapatriement, surtout en pandémie, alors que les hôpitaux sont surchargés et que les vols sont beaucoup plus rares. L’ACCAP recommande aux voyageurs d’être prêts à revenir au Canada rapidement si le gouvernement canadien relevait le niveau de risque et interdisait fermement les voyages non essentiels – ce qui pourrait compromettre la couverture de quiconque reste trop longtemps dans le pays choisi.

Sur ce, bon voyage !

Les questions à poser

Quiconque ose partir en voyage devrait procéder à certaines vérifications, dont voici la liste.

  • La destination choisie est-elle couverte ?
  • Le voyage peut-il être considéré comme essentiel ? Sinon, quelle est la couverture offerte dans le cas d’un voyage non essentiel ?
  • Quel est le montant de la couverture ? Ce montant est-il garanti, ou dépend-il du nombre de réclamations ?
  • Cette assurance voyage couvre-t-elle les tests de dépistage et les problèmes de santé liés à la COVID ? Couvre-t-elle aussi les autres urgences médicales ?
  • Cette assurance sera-t-elle valide pour toute la durée du déplacement ? Est-ce qu’il est possible de la prolonger après le départ, en cas de quarantaine ou de séjour forcé ?
  • Le risque d’annulation et d’interruption est-il couvert ? À quelles conditions ?