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Argent | Pratiques commerciales

Assurances secondaires : loin d’être essentielles

Par : Maryse Guénette
Photo: Ulises Baga (UnSplash)

Décès accidentel, solde sur carte de crédit, vol d’identité… Moyennant quelques dollars par mois, il est désormais possible d’obtenir une assurance pour couvrir à peu près n’importe quelle situation. Or, un tel produit comporterait plusieurs lacunes.

Certaines assurances offrent une couverture très importante. C’est le cas de l’assurance vie et de l’assurance invalidité ainsi que de l’assurance auto et de l’assurance habitation. D’autres jouent un rôle très secondaire. Ce sont ces dernières que l’Union des consommateurs a choisi d’étudier dans son rapport intitulé Assurances secondaires : les consommateurs détiennent-ils toute l’information utile?

 

De multiples exceptions

Selon l’organisme, une des difficultés avec ces assurances est la grande quantité d’exceptions figurant dans les contrats. C’est notamment le cas pour l’assurance solde sur carte de crédit, où une limite d’âge ou un nombre minimal d’heures de travail peut être imposé au souscripteur.

Le problème, c’est que les gens ne sont pas au courant des exclusions. Alors, certains se pensent assurés alors qu’ils ne le sont pas. »

Sophie Roussin, analyste en finances personnelles et endettement à l’Union des consommateurs et responsable de l’étude

Selon la chercheuse, les contrats d’assurance maladie grave et décès accidentel, des produits souvent offerts en complément d’une assurance vie, sont eux aussi truffés d’exclusions qui, en plus, sont formulées dans des termes médicaux complexes. « Ils sont tout simplement incompréhensibles, dit Sophie Roussin. Même des médecins ont du mal à les comprendre. » La chercheuse fait ici allusion à un reportage dans lequel on demandait à certains médecins de commenter les exclusions d’un contrat d’assurance maladie grave.

 

Inutiles ou presque

D’autres produits, qui couvrent des événements n’arrivant vraiment pas souvent, sont jugés inutiles par des experts. C’est le cas de l’assurance vie pour enfants. « Logiquement, les enfants n’ont pas besoin d’un tel produit, car ils n’ont ni argent ni descendants. Or, on l’offre aux parents en leur disant que, advenant le décès de leur enfant, ils seraient couverts s’ils s’absentaient du travail pour faire leur deuil. Mais c’est une situation qui survient très rarement », dit Sophie Roussin.

Lorsque l’enfant atteint un certain âge – 18, 21 ou 25 ans, selon les contrats –, le produit lui est transféré sans que son état de santé soit vérifié. Il peut donc en bénéficier, même s’il souffre d’une maladie grave. On sait qu’une personne malade peut avoir du mal à obtenir une assurance-vie. Or ce produit permet à un enfant d’avoir accès à une telle assurance une fois devenu adulte, quoi qu’il lui soit arrivé dans l’intervalle. « Ici aussi, le risque est très faible », souligne la spécialiste.

La chercheuse est aussi très critique à l’égard de l’assurance contre le vol d’identité qui, selon elle, comporte peu d’avantages. « Les gros cas de vol d’identité sont eux aussi très rares, dit-elle. Et souvent, ce qui est offert, ce n’est pas vraiment une assurance, mais plutôt un service de vérification du dossier de crédit. Et ce service est déjà accordé gratuitement par certaines institutions financières. Sans compter qu’il est aussi possible de faire soi-même des vérifications auprès des bureaux de crédit. »

 

Problème au plan de l’information

La manière de vendre les produits d’assurance secondaire laisse aussi à désirer. « Lorsqu’on annonce ces produits, on fait croire aux gens que les risques couverts sont énormes, dit-elle. Mais ce n’est pas toujours le cas. On joue sur leurs peurs. » De plus, ces produits, même s’ils ne font dépenser que quelques dollars par mois, finissent par coûter cher.

Il arrive aussi que les promesses faites par la publicité ne puissent être tenues. À cet effet, la chercheuse pointe du doigt certaines allégations en lien avec l’assurance maladie grave. « On dit aux gens qu’avec cette assurance, ils pourront recevoir des soins qui ne seraient pas couverts autrement, ou encore qu’ils pourront se faire soigner à l’étranger, dit-elle. Mais la somme qu’ils peuvent obtenir s’ils font une réclamation – généralement d’environ 50 000 $ – n’est pas suffisante pour cela. »

Sans compter qu’au moment de vendre certains produits, les assureurs donnent peu d’information, et ils en récoltent tout aussi peu.

Ceux qui vendent une assurance secondaire ne font pas tous une analyse exhaustive des besoins des consommateurs. Souvent, ils agissent comme des vendeurs plus que comme des assureurs. »

Sophie Roussin

Cela a de multiples conséquences. Ainsi, des consommateurs obtiennent des produits d’assurance dont ils ne pourront bénéficier, ou encore qu’ils ont déjà par l’entremise de leur employeur, par exemple.

 

Des solutions

Est-ce à dire qu’il ne faut absolument pas se procurer une assurance secondaire ? Mme Roussin est plus nuancée. « Je me suis rendu compte que, même si ces produits ont plusieurs lacunes, certaines personnes les apprécient, dit-elle. S’ils leur procurent une certaine paix d’esprit et qu’ils ont les moyens de se les payer, alors pourquoi pas ? Mais il faudrait tout de même qu’ils puissent être certains de payer pour des produits qui leur conviennent et qu’ils puissent y souscrire en toute connaissance de cause. »

Dans sa recherche, Union des consommateurs a étudié l’encadrement existant dans plusieurs juridictions étrangères. Et elle y a trouvé des dispositions inspirantes. L’une d’elles consiste à faire en sorte que l’assureur ait l’obligation de poser des questions pour obtenir l’information dont il a besoin. « Actuellement, c’est le consommateur qui a la responsabilité de fournir à l’assureur toute l’information adéquate, dit Sophie Roussin. Et s’il omet quelque chose, l’assureur peut refuser de l’indemniser. C’est une aberration. Si on lui avait posé les bonnes questions, il aurait fourni la bonne information. »

Une autre solution : obliger les assureurs à informer adéquatement les consommateurs. « Dans certains pays, les assureurs sont tenus de remettre au consommateur un formulaire standardisé qui indique très clairement quelle est leur couverture et quelles sont les exclusions au contrat. C’est ce que nous proposons. Un document de deux pages, écrit clairement. » Si le consommateur avait un tel document entre les mains pour chaque produit d’assurance qu’on lui propose, il saurait à quoi s’en tenir et pourrait même le comparer avec différents produits semblables.

Voilà de bonnes solutions pour protéger les consommateurs.

L’étude

L’étude Assurances secondaires : les consommateurs détiennent-ils toute l’information utile ? (Union des consommateurs, juin 2019) vise principalement à savoir si les consommateurs ont suffisamment d’information pour faire un choix éclairé lorsqu’ils décident d’opter (ou pas) pour une assurance secondaire. La responsable de l’étude a d’abord dressé le portrait du marché des assurances secondaires et analysé cinq produits, soit l’assurance solde sur carte de crédit, l’assurance décès accidentel, l’assurance maladie grave, l’assurance vie pour enfant et l’assurance contre le vol d’identité. Elle a bien examiné chaque produit, portant une attention particulière à la couverture et aux exclusions, au coût, aux représentations et à la publicité.

La responsable de l’étude a aussi sondé l’opinion des consommateurs, recueilli les propos d’associations de consommateurs et interrogé des institutions financières ainsi que d’autres fournisseurs de ce type d’assurance. Elle a enfin exploré le cadre réglementaire de deux provinces canadiennes (le Québec et l’Ontario) et parcouru quelques législations étrangères, soit celles de l’Union européenne, de la France, du Royaume-Uni, de l’Australie, des États-Unis et de l’État de New York.