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Opinions

Quelle justice sociale pour le consommateur d’aujourd’hui ?

Par : Clarisse N'kaa

Si le terme justice sociale peut renfermer différentes nuances et interprétations, force est de constater que la plupart d’entre elles culminent dans la recherche de l’équité et de l’égalité. En matière de consommation, le développement de la société de consommation a conduit au constat que la philosophie libérale du Code civil était moins adaptée à la réalité de la consommation.

En effet, plutôt que d’avoir pour but de bien faire fonctionner le marché, le droit de la consommation commandait une réglementation à caractère social dont l’objectif était la protection du consommateur.

Nous sommes donc en quête de solutions précises à la situation de vulnérabilité du consommateur et de réponses à des situations modernes ou particulières telles que les contrats conclus entre un consommateur et un gym ou encore un service funéraire. Le problème est que ces situations se multiplient et se complexifient au fil du temps et continuent de voir le jour à une vitesse vertigineuse, testant toujours les limites des protections déjà en place.

Pensons aux contrats tripartites conclus sur certaines plateformes comme celles de l’économie du partage, qui remettent en question aussi bien les recours des consommateurs que la responsabilité de ces plateformes lors d’une mésentente. Il peut s’agir également des réseaux sociaux dont l’inventivité fait émerger de nouveaux modèles de publicité et qui nous pousse à nous interroger sur la nature trompeuse de certaines pratiques. On peut donc se demander si la réponse apportée par le droit de la consommation actuellement est à la hauteur de ces nouveaux défis?

Plusieurs auteurs se sont prononcés sur l’enjeu de l’inégalité des parties lorsqu’un litige oppose un consommateur à un commerçant. Pour modifier le rapport de force et tenter d’atteindre une certaine égalité, le législateur intervient alors en amont, notamment par l’interdiction de certaines clauses dans les contrats et la mise en place de certains mécanismes pour prévenir et régler les litiges. Certains exemples peuvent illustrer ce principe en droit de la consommation, c’est notamment le cas de certaines clauses qui sont jugées inopposables au consommateur, ce qui signifie qu’elles n’ont pas d’effet juridique sur ce dernier.

Ainsi, le Code civil du Québec prévoit que les autorités québécoises sont compétentes pour se saisir d’une action fondée sur un contrat de consommation. La Loi sur la protection du consommateur du Québec interdit toute stipulation ayant pour effet soit d’imposer au consommateur l’obligation de soumettre un litige éventuel à l’arbitrage ou soit d’interdire au consommateur d’exercer une action collective. Ces mesures permettent d’atteindre une certaine équité afin de protéger la partie la plus faible, soit le consommateur.

Le développement effréné des outils technologiques porte en lui de nouvelles questions sur l’effectivité de normes mises en place et basées sur de vieux paradigmes. Ces outils technologiques questionnent aussi bien la place accordée aux individus dans la gestion de leurs données personnelles que la protection des consommateurs dans leurs investissements en ligne.

Jusqu’à quel point les normes déjà en place sont-elles effectives dans l’environnement virtuel, en sachant que cette même effectivité est déjà questionnée dans le monde réel ? Plus important encore, que savent réellement les consommateurs des dangers de leur exposition en ligne, de l’effectivité de lois en ligne? Si la justice sociale est censée traiter des asymétries d’information, de pouvoir et d’expérience entre les commerçants et les consommateurs, alors aussi bien la littératie numérique que la mise en place de mécanismes réels de protection de consommateurs en ligne devraient faire partie d’outils pour réduire les inégalités.

Autrement dit, pour parler de justice sociale, il faudra que celle-ci s’adapte aux réalités contemporaines du domaine de la consommation…