Fermer×
Opinions

Édito – Nouvelles technologies : un virage trop rapide?

Par : Maryse Guénette
Photo: Surface (Unsplash)

Internet est plus présent que jamais dans nos vies. Pour le meilleur ou pour le pire? Une réflexion s’impose.

S’il y a une chose que la pandémie a changé dans nos vies, c’est bien notre perception et notre utilisation d’internet. Ce qui pouvait être vu par certains comme un outil utilisé de manière sporadique est devenu une nécessité. Nous en avons eu besoin pour étudier, travailler, obtenir des services financiers, consulter le médecin, voire payer une amende ou régler un litige. Et il semble que cette tendance est là pour de bon.

La pandémie a fait faire des pas de géants aux entreprises, aux professionnels et aux gouvernements en matière de technologie. Des changements qu‘on n’entrevoyait pas avant des années se sont faits dans un laps de temps relativement court. Pensons ici à la multiplication des recours à la médiation et des procédures judiciaires à distance – en mars 2020, un premier procès a même eu lieu – et aux avancées de la télémédecine. Ces progrès méritent d’être salués.

Dès le début de la pandémie, il a fallu faire preuve de débrouillardise afin que justice soit faite, même à distance. Dans les palais de justice, le téléphone et la visioconférence ont été utilisés pour permettre à certaines audiences d’avoir lieu sans que toutes les parties aient à se présenter. Mais on peut se demander si, dans l’urgence d’agir, la prudence a toujours été au rendez-vous. Ainsi, dans un reportage de Radio-Canada, on apprenait que lors du premier procès virtuel, des outils accessibles à tous, comme Dropbox ou Skype, ont été utilisés, ce qui comporte des risques pour la protection de la vie privée.

N’aurait-il pas été possible d’avoir recours à des outils plus sécuritaires ? La plateforme PARLe, par exemple, qui est utilisée au Québec et en Ontario pour aider à régler à l’amiable des conflits en matière de consommation, n’aurait-elle pas pu être mise à contribution ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que, durant la pandémie, une plateforme semblable a été lancée en France en collaboration avec le Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal, soit l’organisme même qui est à l’origine de la plateforme PARLe. En plus d’être utilisée là-bas à des fins de médiation, cette plateforme y sert aussi au stockage sécuritaire de documents juridiques

La télémédecine est un autre domaine qui a pris de l’expansion durant la crise. Or, si la protection de la vie privée y est tout aussi importante, d’autres enjeux doivent aussi être pris en compte. Certains sont liés aux diagnostics. Si quelques problèmes de santé peuvent être repérés par téléphone ou internet, d’autres nécessitent une rencontre en personne. Cela va parfois de soi – difficile de faire une auscultation, un examen gynécologique ou un toucher rectal à distance –, mais pas toujours. Saura-t-on faire la différence et orienter ceux qui ont besoin d’une rencontre en personne vers le bureau du médecin ? Cela est souhaitable, une erreur de diagnostic pouvant avoir de graves conséquences. Dans un article de La Presse paru en novembre 2020, une avocate du cabinet de Me Jean-Pierre Ménard mentionnait qu’il commence à y avoir des poursuites.

Quel que soit le domaine, il faut aussi s’assurer que personne n’est oublié. Les services en ligne sont avantageux car ils permettent d’éviter de longs et coûteux déplacements, mais ils ne doivent pas devenir la seule voie possible pour accéder à des services juridiques ou médicaux. Les personnes à faible revenu n’ont pas toutes accès à internet de la maison. Celles qui habitent en région ne sont pas toutes bien desservies par internet. Il ne faudrait pas que notre engouement pour les technologies nous empêche de répondre aux besoins des clientèles vulnérables.

Il y a aussi que les risques liés à l’utilisation d’internet sont plus élevés que jamais. Selon le Centre antifraude du Canada, plus de 42 000 personnes auraient été victimes de fraude en 2020, ce qui constitue un record. Même les sites internet qui semblent sécuritaires peuvent s’avérer dangereux. Par exemple, au Québec, des pirates informatiques ont utilisé un nom de domaine semblable à celui de l’Autorité des marchés financiers, l’organisme qui encadre le secteur financier québécois, afin d’arnaquer des consommateurs. Plus que jamais, il est important d’être prudent. Nouvelles technologies ou pas, la confidentialité des données et la qualité des services offerts sont de la plus haute importance. Et cela, pour tous les citoyens.