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Opinions

Édito – D’un monde à un autre

Par : Maryse Guénette

Au cours des 28 dernières années, le monde de la consommation a changé. Et aujourd’hui, il est plus complexe que jamais. C’est pour cela que Magazine OC est si pertinent. Au moment de tirer ma révérence, je propose un coup d’œil sur ces 28 années telles que je les ai vécues à Option consommateurs.

1993. C’est l’année de mon arrivée à Option consommateurs (alors ACEF-CENTRE de Montréal) comme rédactrice en chef de Consommation. Certains d’entre vous se souviennent peut-être de ce petit magazine qui faisait grand bruit. Tiré à seulement 4 000 exemplaires et distribué dans les caisses populaires, Consommation attirait l’attention des médias par ses enquêtes sur le terrain. L’équipe y dénonçait des situations inacceptables et y donnait de l’information sur les lois applicables – ou sur celles qu’il aurait fallu élaborer.

En général, ce sont les plaintes reçues à Option consommateurs qui amenaient l’équipe du magazine à s’intéresser à un sujet. En août 1994, Consommation testait la compétence des réparateurs d’électroménagers et titrait son enquête « Des maîtres incompétents ! ». À l’automne 1996, il publiait un article dans lequel il décrivait les techniques de manipulation utilisées par un groupe de croissance personnelle – un enquêteur, qui était psychologue, avait assisté à un de ses séminaires et en était revenu stupéfait. À l’hiver 1997-1998, Consommation révélait que les lecteurs optiques nouvellement installés dans des commerces lisaient parfois mal le prix des articles et décelait jusqu’à 26,7 % d’erreurs.

Consommation a cessé d‘être publié en 2005. J’ai laissé Option consommateurs la même année pour y revenir cinq ans plus tard, cette fois en tant que responsable du service de recherche et de représentation. La recherche qualitative – telle que nous la faisions et la faisons toujours à Option consommateurs – a une parenté certaine avec les enquêtes de Consommation. Dans les deux cas, les sujets sont inspirés de situations rencontrées par des consommateurs ou observées de visu. Dans les deux cas, il faut effectuer une recherche documentaire, se rendre sur place ou trouver le moyen de savoir ce qui se passe sur le terrain et discuter avec des experts. Je veillais notamment à ce que les rapports de recherche soient clairs et faciles à comprendre, et j’aimais en présenter les résultats aux journalistes et aux décideurs.

Les articles de Consommation et les recherches d’Option consommateurs ont aussi comme point commun d’être étroitement liés aux plaintes reçues des consommateurs et aux actions collectives entreprises par l’organisme. Par exemple, des articles de Consommation portant sur les prothèses mammaires en gel de silicone ont mené à une action collective, et des plaintes portant sur des commerces de type Louer pour acheter ainsi que sur des plans de financement de type Achetez maintenant Payez plus tard ont conduit à une procédure semblable ainsi qu’à une recherche.

Durant mes années d’absence, le monde de la consommation avait beaucoup changé. Bien que certains sujets comme les frais bancaires et le crédit offert aux nouveaux arrivants demeuraient d’actualité, avec l’arrivée du commerce en ligne, des plateformes et des réseaux sociaux, nous nous sommes intéressés aux nouvelles technologies. Dès lors, il devenait difficile de fouiller du côté des recherches effectuées précédemment, car elles étaient rares ou carrément inexistantes. Il fallait aussi revoir nos méthodologies, qui se sont complexifiées, et porter une attention particulière à la protection des données, dont l’enjeu était plus important que jamais.

Une de nos premières recherches portant sur les nouvelles technologies, publiée en 2016, s’intéressait aux paiements mobiles aux points de vente. En les testant, nous avions l’impression d’être dans un nouveau monde. D’ailleurs, nous l’étions un peu, car si ce type d’application suscitait déjà un engouement chez les jeunes, peu de commerçants avaient commencé à l’utiliser.

Depuis, les changements n’ont cessé de se multiplier. Si le consommateur a toujours été vulnérable face aux entreprises, il l’est encore davantage depuis l’avènement des nouvelles technologies ainsi que devant les GAFA. Plus que jamais, il est important de scruter les contrats et de s’assurer que les protections offertes par nos gouvernements sont suffisantes. Si ce n’est pas le cas, il faut trouver comment elles peuvent être améliorées, notamment en s’inspirant des mesures prises dans d’autres pays, car les problématiques sont les mêmes partout dans le monde. Comme les autres groupes de consommateurs, les gouvernements et les universités, Option consommateurs a multiplié les recherches en lien avec les technologies, qu’il s’agisse de l’économie du partage, de l’internet des objets, des jouets intelligents…

C’est dans ce contexte que notre projet de réaliser Magazine OC a vu le jour. Le magazine est important, car il publie des articles de vulgarisation portant sur des recherches complexes et rend leur contenu accessible à tous. Il est important, car il permet à ceux qui s’intéressent à la société d’aujourd’hui, à la consommation et aux nouvelles technologies de prendre un pas de recul et de réfléchir à la portée et aux conséquences de leurs actes. Il est important, car il contribue à contrer la désinformation.

Pour ma part, lors de son élaboration ainsi qu’au cours des deux années qui ont suivi, j’ai apprécié chaque recherche que j’ai parcourue, chaque entrevue que j’ai faite, chaque article que j’ai retravaillé. J’ai aussi apprécié le professionnalisme hors pair de mes collaborateurs. Aujourd’hui, j’ai malgré tout choisi de tirer ma révérence. J’espère avoir été utile aux lecteurs de Magazine OC, publication à laquelle je souhaite une belle et longue vie.