Ce serait le cas, par exemple, d’un conseiller qui aurait omis d’effectuer une analyse de besoin financier ou de respecter la convenance d’un produit ou d’un conseil et dont le client se plaindrait d’un dommage subséquent.
En 1975, le jugement de la Cour suprême dans l’affaire Morin contre Blais[1], qui concernait un accident de circulation entre une voiture et un tracteur, a confirmé cette présomption de causalité. La responsabilité de la collision revenait-elle au conducteur du tracteur qui n’avait pas pris tous les moyens pour demeurer visible ou à l’automobiliste, qui n’avait pas conduit avec l’attention et la prudence requise?
En parlant du Code de la route, le juge écrivait dans son jugement que :
« bon nombre de ces dispositions concernant la circulation expriment, tout en les réglementant, des normes élémentaires de prudence. Y contrevenir est une faute civile. Lorsque cette faute est immédiatement suivie d’un accident dommageable que la norme avait justement pour but de prévenir, il est raisonnable de présumer […] qu’il y a un rapport de causalité entre la faute et l’accident. »
Pour renverser la présomption de causalité, le professionnel devra donc effectuer une démonstration très convaincante que sa faute n’a pas causé le dommage qu’a subi le client. « En droit civil, on tente de déterminer si une personne raisonnable, dans la même situation, aurait agi de la même manière que l’accusé, rappelle Me Sarrazin. Dans le cas d’un professionnel, c’est la déontologie ou les règlements qui prévoient dans un code – à l’avance – ce que serait cet agissement d’une personne raisonnable. »
Réparer les dommages
Bien qu’elles visent toutes les deux la protection du public, la poursuite au civil présente une différence importante par rapport à une cause devant un comité de discipline. En droit disciplinaire, les discussions portent sur la faute. La personne qui poursuit n’a pas à démontrer un lien de causalité entre une faute et un dommage pour que le professionnel fautif subisse une sanction de la part du comité de discipline de son organisation professionnelle. Le demandeur doit simplement démontrer un manquement aux normes réglementaires.
« Le processus disciplinaire et la poursuite civile sont complètement séparés, mais la décision d’un comité disciplinaire peut avoir une influence sur le résultat d’une poursuite au civil », soutient Me Julie Chenette, avocate fondatrice de Chenette Boutique de litige. En effet, si un membre de la Chambre a été reconnu coupable d’une contravention au code de déontologie ou au Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières et que la même cause fait l’objet d’une poursuite civile, la décision du comité de discipline peut s’ajouter à la preuve déposée par la partie demanderesse.
L’objectif d’un procès au civil est d’obtenir une réparation des préjudices subis par le demandeur. Pour rétablir la justice, il s’agit de replacer ce dernier dans la situation dans laquelle il se trouvait avant de subir le dommage provoqué par l’accusé. Les sanctions concernent donc généralement le remboursement des dommages, pour combler par exemple la perte d’une indemnisation d’assurance ou le paiement en trop d’une prime, ou encore une perte financière liée à un placement qui ne respectait pas les règles de convenance.
Tous les membres de la CSF doivent contracter une assurance de responsabilité professionnelle. Cependant, il est bon de rappeler qu’elle ne protège pas de tout. « Dans la plupart des cas, ces assurances refusent de couvrir le professionnel lorsqu’il a commis une faute grossière ou volontaire ou une fraude et peuvent même décliner d’assurer sa défense dans ces cas-là », souligne Me Chenette.
Dans ce cas, l’avocat représentant la compagnie d’assurance joue en quelque sorte un double rôle : veiller aux intérêts de l’assureur, tout en défendant le professionnel. Il peut, par exemple, souhaiter régler un dossier hors cours si c’est avantageux pour l’assureur, même si le professionnel n’est pas d’accord.