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Consommateurs de produits et services financiers: les nouveaux enjeux mis en lumière par la recherche universitaire

Par : ADAJ

Le droit de la consommation s’étend aujourd’hui bien au-delà des limites prévues à l’origine par la Loi sur la protection du consommateur (LPC), qui couvre la protection contre les pratiques trompeuses et l’encadrement des contrats de crédit, les contrats négociés à distance ou dans le cadre de ventes itinérantes. Les consommateurs sont aujourd’hui protégés par des lois, qui visent bien d’autres besoins. C’est particulièrement le cas en matière de valeurs mobilières, et d’assurances. L’objet de ce texte est de mettre en relief les conditions de protection des consommateurs appelés à se procurer de tels produits. C’est l’objet du Chantier 22 du projet de recherche ADAJ (Accès au Droit et à la Justice).

Qui sont ces consommateurs ?

Les personnes qui achètent des produits financiers sont souvent nommées investisseurs.  Or, la majorité d’entre elles achètent plutôt ces produits dans le but de réaliser une épargne, de bénéficier d’un avantage fiscal ou de minimiser un risque. Sur le plan sociologique, la notion de « produit financier » mérite une redéfinition tenant compte des finalités réellement poursuivies par les consommateurs et non en fonction d’une définition abstraite et universelle.

Un sondage mené par l’Autorité des marchés financiers (AMF) auprès de 1503 répondants (l’Indice Autorité, 2018) révèle l’étendue du champ de la protection des consommateurs de produits financiers. Ainsi, 59 % des Québécois détiennent personnellement ou conjointement des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et 55 % des comptes d’épargne libre d’impôt (CELI). En matière d’assurance, 84 % des Québécois possèdent une assurance automobile, 83 % une assurance habitation et 72 % une assurance-vie. En contrepartie, l’Indice Autorité de 2018 révèle que seulement 29 % des Québécois possèdent des certificats de placement, 17 % des obligations d’épargne et 24 % des actions boursières, qu’on peut réellement qualifier d’investissements.

Cela étant, la vaste majorité des citoyens sont des « consommateurs de produits et de services financiers ».

Pourquoi ces consommateurs sont-ils vulnérables?

L’accroissement constant du marché des produits financiers exige qu’on s’intéresse au rôle joué par les intermédiaires impliqués dans l’achat et la vente de ces produits et, par extension, à la nature de ces produits financiers.

Chacun de nous a besoin, à un moment ou à un autre, d’un professionnel pour choisir et optimiser ses placements (qu’il s’agisse d’investissement ou d’épargne) ou pour se procurer des produits d’assurance. Les consommateurs n’étant pas toujours en mesure d’établir seuls leurs besoins en matière de couverture des risques, ou d’évaluer la complexité des produits financiers offerts sur le marché, ils doivent souvent s’en remettre aux recommandations de leurs conseillers (conseiller en placement, planificateur financier, gestionnaire de portefeuille, représentant en assurance, etc.), dont la fonction va souvent au-delà du simple conseil.

Leur rôle exige une connaissance complète des produits disponibles et des capacités financières des consommateurs. Par ailleurs, la qualité de la prestation fournie par le conseiller financier n’est pas facile à évaluer pour le consommateur, notamment lorsqu’il s’agit de produits d’assurance.  Souvent un important laps de temps s’écoule entre la conclusion du contrat et l’exécution de la prestation. Les consommateurs s’en remettent aux recommandations de leurs conseillers, convaincus qu’ils suivent des pratiques saines.

L’Indice Autorité 2018 révèle qu’en matière d’information financière, 51 % des Québécois se tournent vers un conseiller ou une institution financière. La nature de la relation et des attentes respectives de ces acteurs (professionnels et consommateurs) devient dès lors cruciale, et cette relation doit reposer sur la confiance et la transparence. D’un côté, le consommateur fournit des renseignements de nature très personnelle et s’attend à ce que le professionnel lui propose le produit qui convient à ses besoins. De l’autre, il est souvent difficile, pour le professionnel, d’évaluer la compréhension réelle du consommateur à l’égard des produits qu’il achète, ou de s’assurer que les renseignements personnels fournis sont complets. En cas de faute ou de fraude, les conséquences sont parfois très lourdes pour le consommateur. À qui celui-ci peut-il s’adresser en cas de conflits ou de plaintes ?

La protection des consommateurs par le biais de la recherche ?

Le chantier 22 du projet ADAJ vise la réalisation d’une recherche empirique et multidisciplinaire sur l’expérience des consommateurs de produits et services financiers : leurs perceptions, leurs attentes, leur expérience, leur connaissance réelle des mécanismes qui régissent le marché financier, leur compréhension des mécanismes de protection des investisseurs, les tendances observées à l’égard de la prise de risques démesurés, etc. Ces questions doivent être étudiées dans le contexte des relations d’intermédiation. De façon plus précise, les chercheurs du chantier se penchent sur la pratique réelle des acteurs, ces pratiques étant des composantes essentielles de la littératie financière.

Le Chantier 22 d’ADAJ traite de la protection des consommateurs de produits financiers. On y évaluera de quelle manière l’interaction de l’ensemble des acteurs du marché financier (régulateurs, consommateurs, conseillers et acteurs de l’industrie) influe sur le comportement observable des consommateurs et sur la protection de leurs droits. Il est mené en collaboration avec les acteurs du marché financier, notamment l’Autorité des marchés financiers, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, la Chambre de la sécurité financière, la Chambre de l’assurance de dommages, les associations de consommateurs (notamment Option consommateurs, Union des consommateurs et la Coalition des associations de consommateurs du Québec), le Tribunal des marchés financiers, Éducaloi, de même que plusieurs institutions financières et compagnies d’assurance.

Les prochains numéros du magazine d’Option consommateurs offriront un suivi des différentes étapes et des conclusions de ces travaux. On en tirera une meilleure connaissance des conditions de protection des droits des consommateurs de produits financiers.

par Maya Cachecho et Pierre Noreau