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De nos collaborateurs

Comment se porte votre épargne pandémique ?

Par : Ordre des CPA du Québec

Apparemment, la pandémie aurait fait réaliser d’incroyables économies aux ménages canadiens. Selon Statistique Canada, le taux d’épargne aurait bondi momentanément à plus de 25 % en 2020 pour redescendre aux environs de 10 % en 2021, des taux qu’on n’avait pas vus depuis des lunes. 

À en croire ces statistiques, de saines habitudes d’épargne font un retour en force dans la population, grâce ou malgré la pandémie. 

Toujours selon Statistique Canada, durant cette période, les banques canadiennes auraient accumulé des soldes records de dépôts. En fait, plus de 200 milliards de dollars canadiens dormiraient à la banque. Est-ce que votre budget voyage repose dans un compte d’épargne en attendant votre prochaine occasion d’aller dans le sud ou d’en faire profiter d’autres industries qui souffrent, comme celles de la culture et de la restauration ? Ou ce joli magot vous inciterait-t-il à vous désendetter ou à réduire votre dépendance à la paie aux deux jeudis ? 

Vos habitudes financières ont-elles à ce point changé ?

Épargner n’est pas si facile, et ce n’est pas « travailler en mou » qui rend la tâche tellement plus simple.

Lorsqu’on creuse un peu l’idée assez largement répandue que « monsieur-madame-tout-le-monde » a économisé durant la pandémie, on constate qu’elle n’est pas si solide, ou du moins, que tous n’en ont pas profité également. 

Tous n’ont pas eu la chance de télétravailler, de réduire leurs frais de déplacement, mais surtout, de conserver leur emploi. Malgré les mesures gouvernementales de soutien aux entreprises et aux particuliers, force est de constater que les pertes d’emploi – et les réorientations de carrière qu’elles ont entraînées – ont pesé lourd sur les finances de bien des ménages. 

Et c’est sans compter une étonnante combinaison de phénomènes économiques :

  • L’inflation, qui atteint des niveaux inconnus pour une génération entière de travailleurs et qui, par définition, a un effet défavorable sur la valeur de l’épargne.
  • Les prix records de l’immobilier, qui rendent l’accès à la propriété nettement plus difficile, notamment pour les plus jeunes, et qui, paradoxalement, nourrissent chez les propriétaires un sentiment d’enrichissement. Pourtant, à moins d’en posséder plusieurs, la hausse de la valeur de son habitation n’aura d’égale que le prix à payer pour en acquérir une autre si on souhaite déménager. Est-ce donc un réel enrichissement ?
  • La rareté et les pénuries de main-d’œuvre, un phénomène exacerbé par le mauvais arrimage entre les besoins du marché du travail et les compétences des employés des secteurs où la reprise tarde à venir. On ne passe pas instantanément du rôle de garçon de table à celui de technicien en robotique. La formation nécessaire pour se réorienter coûte cher et elle prend du temps, rien pour augmenter l’épargne de cet ex-garçon de table.
  • Le dérèglement des chaînes d’approvisionnement, qui provoque des pénuries de certains biens et par ricochet, l’augmentation des prix. Pourtant, cela n’a pas empêché les familles de satisfaire leur appétit de consommation en faisant par exemple des dépenses colossales en rénovations et en aménagement extérieur, tantôt en recourant à la marge de crédit hypothécaire gonflée aux stéroïdes par la hausse de la valeur des propriétés, tantôt en utilisant les budgets de voyages qu’on ne pouvait pas faire. Dans tous les cas, ces stratégies n’ont en rien contribué à l’épargne des ménages.

Cessez de vous autoflageller, les moyennes statistiques ne sont pas représentatives de la classe moyenne.

Peut-être trouvez-vous que les grands titres qui nous présentent les tendances économiques ne s’adressent pas à vous ni ne parlent de vous ? Vous avez raison. Même chose pour les statistiques, qui ne donnent pas toujours l’heure juste. Après tout, un taux d’épargne moyen, c’est… une moyenne. 

Ainsi, il n’est pas nécessaire de faire de savants raisonnements pour comprendre qu’il est bien plus facile d’épargner lorsque le revenu d’un ménage dépasse un certain seuil de dépenses qui lui assure un train de vie « confortable », disons de 75 000 $ par année. Quant aux familles dont les revenus sont plus élevés, elles ont bien beau dépenser davantage, il reste que leurs besoins de base sont plus rapidement satisfaits, et donc, que leur capacité d’épargne croît très rapidement et vient gonfler la moyenne.

Il serait alors plus pertinent de se situer par rapport à la médiane ou encore, de considérer la distribution de l’épargne en fonction des niveaux de revenus.

Selon les calculs de la Banque du Canada, l’épargne exceptionnelle « COVID » aurait été de 5800 $/habitant en 2020. Mais 37,2 % de cette épargne moyenne était concentrée chez les 20 % de la population ayant les plus hauts revenus, alors que moins de 10 % de l’épargne était détenue par les 20 % de la population dont les revenus sont les plus faibles. 

Plus important encore, ce même rapport nous révèle que des 5800 $ d’épargne engrangés en moyenne en 2020, un montant d’environ 4000 $ est attribuable à une réduction des dépenses et la part restante, à une hausse du revenu disponible. 

Est-il réaliste de croire que la réduction momentanée des dépenses et la hausse soudaine du revenu disponible se traduiront par de nouvelles habitudes d’épargne ?  Les marchés boursiers semblent bien penser que non. À preuve, la remontée boursière démontre que les investisseurs prévoient que l’argent qui attend sur les lignes de côté retourne vers les entreprises grâce aux avides consommateurs qui seront bien heureux de dépenser. Et c’est ainsi que la pseudo-épargne COVID s’évaporera ! 

La magie n’est pas une stratégie. 

Pourquoi toute cette démonstration ? Parce que l’épargne se nourrit de trois choses pour bien grandir :  du temps, de saines habitudes et du gros bon sens.

Ce qui compte le plus pour augmenter son épargne, ce n’est pas tant le taux que le temps. Plus on laisse travailler son épargne longtemps, plus elle grossit. C’est la loi des rendements composés. 

Si on veut en plus optimiser la stratégie, il faut épargner avec constance. Tout au long de sa vie, épargner un petit montant peut-être, mais un petit montant quand même, et le faire avant de dépenser pour quoi que ce soit d’autre. On épargne en premier et on dépense le reste ensuite.

Vous aimeriez épargner plus ? Ne comptez pas trop sur un « changement de mode de vie » forcé qui générera miraculeusement des épargnes, comme durant une pandémie. 

Tenez-vous-en à vos objectifs et surtout, laissez le temps faire son œuvre. L’épargne qui reste investie longtemps finit par travailler toute seule et même par produire plus de revenus que le salaire de l’épargnant lui-même. 

N’est-ce pas là un objectif et une stratégie en soi ? La liberté de travailler ou non, parce que notre épargne, elle, est au travail, longtemps et systématiquement. Sans magie. 

La volonté d’épargner commence par le désir de se donner les moyens d’une certaine liberté. S’intéresser à ses finances est une façon de prendre soin de soi et de sa famille, c’est le gros bon sens.